jeudi 1 août 2019

n°278
Madame X (1884)
John Singer Sargent



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kART d'identité

Œuvre : Madame X
Artiste : John Singer Sargent  
Année : 1884
Technique : Huile sur toile
Epoque : Contemporaine
Mouvement : Impressionnisme américain
Lieu : Metropolitan Museum of Art (New York)


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Lorsque le peintre américain John Singer Sargent s’installa à Paris au début de sa carrière, c’était pour se faire un nom et acquérir une réputation. Il y est parvenu  mais pas de la façon qu’il avait imaginée. Tout à cause d’un tableau : Madame X.


Le peintre dans son atelier parisien
Peinte en 1884, cette « Madame X » n’est pas une femme anonyme comme le suggère le titre. Il s’agit de Virginie Gautreau, une femme américaine, comme lui, très connue dans la bourgeoisie parisienne pour sa beauté mais surtout pour être la femme d’un riche banquier français.
La jeune femme a acquis une telle renommée pour sa beauté qu'elle reçut de nombreuses propositions d'artistes émerveillés à la recherche d'une muse, demandes qu’elle avait jusque-là toujours rejetées.

Virginie Gautreau 
Sargent désirait lui aussi demander à la jeune femme d’être le modèle de son prochain tableau bien qu’il ait dit que sa beauté était  « impossible à peindre » tant il était troublé par son charme.
Il prit malgré tout son courage à deux mains et entra en contact avec la jeune femme par l’intermédiaire d’un ami commun, à qui il a écrit : «J'ai grand désir de peindre son portrait et j'ai raison de croire qu'elle le permettra et s'attend à ce que quelqu'un propose un tel hommage à sa beauté. … Vous pouvez lui dire que je suis l'homme d'un prodigieux talent. »
Le peintre insista à de nombreuses reprises. Finalement, après deux ans d’attente, au début de 1883,  elle finit par accepter, pensant que le tableau lui permettrait d’atteindre un statut plus élevé dans la haute société française.

Avant de peindre, Sargent réalisa plusieurs croquis pour trouver la meilleure pose et les meilleurs accessoires : allongée sur un canapé, la tête tournée, tant un verre de champagne, tout a été essayé pendant des jours et des jours. Virginie Gautreau commença à se lasser et exigea une pause de plusieurs mois laissant le peintre frustré de ne pas avoir trouvé la pose et l’expression parfaite qui mettrait en valeur la beauté de son modèle.
Et en effet, le tableau ne fut pas simple à peindre. Insatisfait, Sargent changea à plusieurs reprises la composition de son tableau jusqu’à finalement arriver à cette pose si caractéristique que nous voyons aujourd’hui.

Enfin achevée, la toile fut alors présentée de façon officielle au Salon de 1884. Le modèle n’était pas officiellement identifié mais Virginie était si célèbre que tout le monde la reconnut.
La jeune femme a le visage de profil. Sa pose, ses cheveux et le port d’un diadème sont inspirés des statues grecques antiques. L’arrière plan et la robe sombres mettent en valeur l’extrême blancheur de sa peau.

Malheureusement pour le peintre, l’accueil de son tableau au Salon fut un véritable désastre et provoqua un scandale. Le public fut choqué par la robe très décolletée, montrant les épaules et la gorge de Virginie, et scandalisé par le fait que l’une des bretelles de sa robe avait glissé de son épaule vers son bras. Une tenue bien trop provocante à l’époque, d’autant plus que la jeune femme est mariée. Trop "dénudée", le public pensa qu'elle avait dû avoir une liaison amoureuse avec le peintre.
On se moqua également de la position peu naturelle et inconfortable de son bras droit, qui paraît tordu.
La première version (à gauche) photographiée au Salon,
la bretelle sur le bras 
Un autre critique jugea aussi le teint pâle du modèle « cadavérique ». On accusa même Virginie Gautreau d’avoir mangé des pilules d’arsenic pour paraître plus blanche. Il semblerait qu’elle se soit simplement maquillée avec de la poudre de riz.
Le tableau fit un véritable fiasco. Un critique a écrit que, si l'on se tenait devant le portrait lors de son exposition au Salon, on "entendrait tous les gros mots de la langue française".

Marie Virginie de Ternant, la mère de Virginie Gautreau, a exigé que le tableau soit retiré de l’exposition. "Tout Paris se moque de ma fille. Elle est ruinée ... Elle mourra de chagrin."
Finalement, le peintre retira son tableau et pour calmer la colère du public et apaiser le scandale, il modifia sa toile en repeignant la bretelle sur l’épaule  « pour plus de tenue ».

Une fois l’exposition terminée, le peintre quitta Paris en disgrâce, et s'installa à Londres pour y poursuivre avec succès sa carrière de portraitiste. Sept ans plus tard, Virginie Gautreau accepta de poser à nouveau. Deux peintres vont  réaliser des tableaux similaires qui vont être très bien acceptés par la critique.

Sargent garda cette toile dans son studio de Londres jusqu'à ce qu'il la vende au Metropolitan Museum of Art de New York, en 1916, quelques mois après la mort de Madame Gautreau. Il écrira au directeur du musée, à propos de cette œuvre : « Je suppose que c'est la meilleure chose que j'ai faite ». Sans regret donc.

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