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Le photographe autrichien Herbert Bayer était le maître du Bauhaus, ce mouvement artistique qui a révolutionné l’art, notamment dans les domaines de l’architecture et du design. Bayer était avant tout architecte et typographe. Il est même devenu professeur en graphisme publicitaire. Son travail repose principalement sur des formes géométriques et des couleurs très élémentaires. Le Bauhaus est très critiqué à l’époque notamment par les Nazis qui y voient un style décadent et dégénéré.
En 1928, Herbert Bayer délaisse le Bauhaus et se tourne vers la photographie après avoir découvert le mouvement de la Nouvelle Vision, un style photographique qui délaisse la traditionnelle prise de vue frontale et qui expérimente des angles inédits comme la contre-plongée. L’idée est de s’amuser avec l’image, les angles et la lumière. Durant cette période, il expérimente à Berlin la photographie et la peinture.
Il passe très rapidement des photographies « classiques » aux photomontages. Entre 1931 et 1932, il créé une série de onze photomontages, qu’il nomme « l’Homme et le Rêve », inspirés de ses propres rêves.
Sur cette photo, Bayer se met lui-même en scène. Il observe son double réfléchi devant son miroir. Il tient dans sa main droite une tranche de son bras coupé. Sa posture et son corps rappellent les sculptures classiques en marbre sans bras. Comme un acteur, on lit l’horreur dans le regard de l’artiste. Lorsqu’il a pris la pose, Bayer avait donc déjà imaginé l’endroit exact où il allait créer sa propre mutilation.
Bayer a commencé par prendre sa photo à l’échelle devant un miroir. La photo a ensuite été développée sur un format de 30 x 40 centimètres. L’artiste a pu enfin retravailler l’image directement sur le cliché.
Ce photomontage est très réaliste à l’heure où ni ordinateur, ni logiciel de montage informatique n’a été inventé. Pour créer « la tranche de bras » qu’il tient dans ses mains, Bayer tient dans sa main une simple éponge. Pour façonner le bras fragmenté et sa tranche manquante, il a peint la photographie avec de la gouache contenant un pigment blanc opaque (comme la craie) qui agissait comme un correcteur efficace et offrait une bonne réflectivité. Avec un aérographe, l'outil du début du siècle préféré des graphistes, Bayer a ensuite pulvérisé de la gouache et de l’aquarelle pour lisser les irrégularités et masquer les transitions entre la peinture et la photographie.
L’œuvre est très surréaliste. La photo, tout comme son titre, semble assez humoristique mais elle reflète aussi sans doute quelque chose de plus sombre, peut-être les traumatismes physiques et psychologiques de la Première Guerre mondiale et les craintes grandissantes qu'un tel cauchemar puisse se reproduire avec la montée du nazisme. Juste avant la Seconde Guerre Mondiale, Bayer fuit l'Allemagne pour les Etats Unis où la nationalité américaine lui sera donné en 1944.
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