lundi 20 août 2018

n°216
Tablette de plainte à Ea-nasir (1750 av JC)



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kART d'identité

Œuvre : Tablette de plainte à Ea-nasir
Artiste : Inconnu
Année : 1750 av JC
Technique : Gravure sur tablette d'argile
Epoque : Antiquité
Mouvement : Art mésopotamien
Lieu : British Museum (Londres)


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Souvent, ce n’est ni la beauté ni la difficulté de réalisation qui fait une œuvre d’art. Parfois, l’histoire atypique d’un objet suffit. C’est le cas de cette tablette d’argile légèrement abîmée qui mesure un peu moins de 12 cm de hauteur.

Durant l’Antiquité, la Mésopotamie (aujourd’hui l’Irak) était habitée par des civilisations puissantes et très avancées. Les Mésopotamiens auraient même inventé l’écriture. Bien sûr à cette époque, ni papier ni crayon, on communiquait à l’écrit en gravant sur des tablettes d’argile. L’écriture était elle aussi très différente d’aujourd’hui. On utilisait l’écriture cunéiforme depuis 3400 av JC, un système d’écriture assez complexe composé de traits terminés en forme de coins où chaque signe correspond à une syllabe.

Cette tablette a été retrouvée dans les ruines d’Ur, une des plus importantes villes de la Mésopotamie. Il s'agit en fait une lettre de plainte d’un client prénommé Nanni, adressée à un marchand nommé Ea-Nasir. En 1750 av JC, Ea-Nasir vendait du cuivre qu’il allait chercher par bateau dans le Golfe Persique pour le revendre  en Mésopotamie. C’est dans ce contexte qu’il aurait accepté de vendre des lingots de cuivre à Nanni. Celui-ci envoie son serviteur avec l'argent pour finaliser la vente. Toutefois, le cuivre qu’il souhaite acheter est de mauvaise qualité. De plus, le serviteur aurait été accueilli de manière grossière et avec mépris par Ea-Nasir. La transaction est alors annulée. En réponse, Nanni fait rédiger cette plainte pour Ea-Nasir. En plus des faits, Nanni déclare qu’il n'a pas accepté le cuivre et souhaite être remboursé.

Voici le texte exact :
« Dis à Ea-Nasir que Nanni envoie le message suivant :
Lorsque tu es venu, tu m'as dit ce qui suit : « je donnerai à Gimil-Sin [quand il viendra] des lingots de cuivre de haute qualité ». Tu es ensuite reparti mais tu n'as pas rempli ce que tu m'as promis. Tu as mis devant mon messager [Sit-Sin] des lingots qui n'étaient pas bons, et tu as dit : « Si tu veux les prendre, prends-les; si tu ne veux pas les prendre, va-t-en ! »
Pour qui me prends-tu, que tu agis avec un tel mépris envers quelqu'un comme moi ? J'ai envoyé comme messagers des gentilshommes comme nous-mêmes pour chercher la bourse contenant mon argent [que j'ai laissé avec toi], mais tu m'as méprisé en me les renvoyant bredouilles plusieurs fois, et ce, à travers des terres ennemies. Y a-t-il qui que ce soit parmi les marchands qui commercent avec Telmun qui m'a traité d'une telle façon ? Tu es le seul à mépriser mon messager ! À cause de cette [misérable] mina d'argent [métal] que je te dois[?], tu te permets de parler de cette façon, alors que j'ai donné au palais en ton nom 1 080 livres de cuivre, et Umi-abum a également donné 1 080 livres de cuivre, et ce, au-delà de ce que nous deux avons fait écrire sur une tablette scellée gardée dans le temple de Samas.
Comment m'as tu traité en échange de ce cuivre ? Tu as retenu ma bourse dans un territoire ennemi. Il te revient maintenant de me rendre [mon argent] entièrement.
Sois conscient que [dorénavant] je n'accepterai ici aucun cuivre de ta part qui ne soit pas de qualité supérieure. [Dorénavant] je choisirai et je prendrai des lingots individuellement dans ma propre cour, et j'exercerai contre toi mon droit de refus car tu m'as méprisé. »

De manière amusante, cette tablette est considérée comme la plus ancienne plainte écrite connue. Les mésopotamiens avaient déjà inventé les services après-vente. Et visiblement, il y avait déjà quelques mécontents !


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