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"Quadrangle" (Carré noir) (1923) |
L’homme qui court, qu’il peint à la fin de sa vie, semble donc être à l’opposé des toiles qu’il peint habituellement. Ce virage à 180 degrés s’explique simplement, par le contexte politique de l’époque.
Dans les années 1920, après la révolution bolchévique, le climat politique est tendu en Russie. Le pouvoir soviétique, en particulier Joseph Staline, critique l’art abstrait jugé trop « bourgeois ». La liberté de peindre devient de plus en plus restreinte. En 1929, le pouvoir communiste impose aux artistes un seul courant artistique, le réalisme socialiste. Les autres courants artistiques sont alors interdits, car considérés comme « dégénérés ». Ainsi, les artistes étaient dans l’obligation de peindre des œuvres très figuratives, représentant des travailleurs, des militants et des combattants, dans des postures héroïques, peindre une réalité idéalisée qui mettaient en valeur leur pays. Les artistes n’étaient pas les seuls à être persécutés. Les paysans, eux, étaient forcés de travailler la terre s’ils ne voulaient pas être déportés.
Le travail de Malevitch n’échappe pas à cette nouvelle politique. Son travail est jugé « incompréhensible » par le gouvernement et par la presse. En conséquence, ses œuvres sont confisquées et il lui a été interdit de créer et d'exposer des œuvres d'art abstraites. Finalement, il se retrouve emprisonné et torturé à la prison de Leningrad.
A sa sortie de prison, Malevitch n’a pas le choix, il abandonne l’art abstrait pour l’art figuratif imposé par le gouvernement. Mais en y laissant un soupçon de provocation.
L’homme qui court s’oppose au pouvoir communiste. Au premier plan, un paysan court dans un champ constitué de bandes colorées dont les couleurs rappellent ses anciennes peintures interdites. Le paysan n’a pas de visage. Le gouvernement lui a enlevé, sa liberté, son identité, sa dignité.
Il tient une grande croix rouge qui rappelle la dimension religieuse de cette souffrance. Le peintre se serait inspiré d’une chanson : «Près de la route, il y a une croix rougie transpercée par les balles des fusils et qui pleure du sang ».
A droite, les deux bâtiments, sans portes ni fenêtres, représentent la prison dans laquelle il était enfermé. Ils encerclent une épée dont la lame est ensanglantée. Elle représente les actes de torture qu’il a subis. C’est bel et bien la menace de l’enfermement que fuit ce paysan.
On est donc bien loin des codes imposés par le gouvernement. Pourtant Malevitch a respecté la consigne, il a peint la réalité !
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